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Technologie / Low-tech

lundi 7 août 2023, par La graine

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Que sont les low-tech ? Comment se placent-elles dans le paysage de la technologie et de notre quotidien ?

Définitions

Avant de parler de Low-tech, commençons par parler de technologie(s). Comme beaucoup de mots, celui-ci est polysémique [1].

Étymologie

Le mot technologie vient du grec technología (τεχνολογία) téchnē (τέχνη), « art », « compétence », ou « artisanat » et -logía (-λογία), l’étude d’une branche de la connaissance, d’une discipline.

La technologie est l’étude des outils et des techniques. Le terme désigne les observations sur l’état de l’art aux diverses périodes historiques, en matière d’outils et de savoir-faire. Il comprend l’art, l’artisanat, les métiers, les sciences appliquées et éventuellement les connaissances [2].

En ce sens, la technologie est descriptive [3], et non prescriptive [4]. Bien que les descriptions puissent par la suite être utilisées pour agir.

Si on s’arrête à cette définition, la première technique connue à ce jour nous vient du paléolithique, il y a environ 2,6 millions d’années avec la découverte des plus anciens outils de pierre taillée en Afrique (Éthiopie, Kenya) [5].

Sens commun

Au quotidien, on utilise le mot technologie aussi dans un sens plus commun. Le contour est plus flou, mais on retrouve souvent certaines caractéristiques.

Approche par la production

Concernant l’objet en lui-même, on parlera de technologie pour des productions industrielles, ou des productions uniques, utilisant avec des techniques avancées (généralement électriques ou électroniques, mais pas que…).

On retrouve cette approche du terme « technologie » dans les écrit de Jacob Bigelow. C’est, semble-t-il, ce professeur de Harvard, qui aurait pour la première fois systématisé l’usage du mot « technology » en anglais dans son ouvrage « Elements of technology » (1829). Il appelle à une véritable fusion entre les arts et la science. En appelant à une sectorialisation accrue des savoirs scientifiques et une répartition scientifique des tâches dans le domaine du travail.

Bigelow suggérait la convergence à restaurer à l’aube de la révolution industrielle les arts (tekhnê) et la science (logos). C’est ainsi que les premiers usages du terme dans le sens qu’en donna Bigelow précédèrent les bouleversements techniques du XIXe siècle, et que l’usage du terme se répandit pendant la révolution industrielle. [6]

Cette pensée peut être qualifiée de technosolutionnisme. Selon ce concept, tous les problèmes pourraient trouver des solutions dans des technologies meilleures et nouvelles. [7]

Bigelow est influencé par l’ingénieur John A. Etzler, qui, voyant dans la technique une dimension religieuse, diffusera quatre ans plus tard son idéal dans un livre très vite reconnu : « Le Paradis à la portée de tous les Hommes, sans Travail, grâce aux forces de la Nature et aux Machines. Adressé à tous les homme intelligents ».
 [8]

Bigelow et Etzler sont millénaristes, courant résurgent à cette époque, pensant que le messie va (re)venir sur terre. Ainsi, il s’agit de préparer le paradis. Dans leurs esprits, les machines et la nature permettent d’abolir le travail et donc, par conséquent, aider les classes sociales les plus défavorisées. Il y a une préparation du jugement dernier, avec un messie terrestre qui chassera l’antéchrist. « Aider les plus démunis sera rendu lors de la résurrection des justes » [9].

Les considérations productivistes et capitalistes de la révolution industrielle, la sectorialisation accrue des savoirs scientifiques et la répartition des tâches [10] amèneront leur lot de problèmes. Nous pouvons citer, entre autres :

  • la perte d’autonomie en ne connaissant pas toutes les étapes des procédés ;
  • la méconnaissance concernant les productions (sur leur usages, leurs provenances, leurs implications sociales…) ;
  • la génération de diverses pollutions ;
  • la décroissance des ressources (la finitude de celles-ci n’étant pas envisagée à l’origine) ;
  • des conditions de travail qui ne s’améliorent pas à l’époque de la révolution industrielle ;
  • la transformation importante des paysages par l’exploitation de plus en plus grande ;
  • la disparition ou raréfaction de métiers artisanaux ;
  • une consommation de plus en plus intensives ;
  • une dépendance de plus en plus grande aux productions ;
  • ...
Approche par l’environnement des productions

Actuellement, on pense aussi à toute la technologie qui nous entoure et l’impact sur notre quotidien, nos modes de vie. Ces technologies sont un prisme à travers lesquelles on regarde le monde, on en devient dépendant.

Un crayon de bois ou le stylo à bille ne sont que rarement considérés comme des technologies. Pourtant, si l’on s’attarde à se renseigner sur leurs fabrications, il s’agit bien de techniques avancées, voire très avancées.

Cependant, on utilise un crayon pour prendre des notes, gribouiller, dessiner ou autre... [11]. On garde un certain contrôle sur l’utilisation et la production réalisée. Selon les usages, on prend n’importe quel crayon qui nous tombe sous la main, de n’importe quelle technologie tant qu’il reste de l’encre ou que la mine est taillée. On s’approprie l’outil, on en fait ce que l’on veut, il ne nous impose pas grand-chose...

Avec des technologies comme internet, on a beaucoup moins de contrôle sur notre utilisation. Algorithmes nous incitant à des bulles informatives, prédictions de nos attentes, accès à des informations qui changent notre vision du monde, falsification de l’information avec un partage de masse… L’outil devient beaucoup moins anodin…

Réflexions critiques sur les technologies

Les réflexions critiques sur les technologies ne sont pas récentes.

Bien avant les Low-tech, on trouve de nombreuses formes de critiques sur les productions et les conditions de celle-ci.

On pourrait aborder de multiples aspects, comme le DIY [12] avec des magazines tels « Popular Mechanics » (fondé en 1902), bien que le sujet soit de niche à l’époque [13].

On retrouvera plus tard le DIY dans divers mouvements critiques de la consommation de masse, comme les mouvements hippy ou punk. On trouve aussi des liens entre les mouvements écologistes et technocritique dans les année 1970.

Comme souvent, un mouvement ne naît pas de rien, mais est inspiré par son environnement actuel et les mouvements qui l’on précédé.

La pensée technocritique

Dans les approches modernes qui font suite à la révolution industrielle, on pense à Karl Marx qui écrira dans « le Capital » : « La technologie dévoile le rapport actif de l’homme à la nature, le procès immédiat de production de sa vie, et par conséquent de ses conditions de vie sociales et des représentations spirituelles qui en découlent. »

La pensée technocritique s’amorce au début du XIXe siècle en Grande-Bretagne (à l’époque la première nation industrielle) avec la révolte luddiste [14]. Elle évolue ensuite au fur et à mesure que prospère l’industrie et que les humains s’y acclimatent. La critique se fait plus discrète pendant les trente glorieuses où le consumérisme s’exprime pleinement. La pensée technocritique connaît un regain d’intérêt au début des années 1970, quand la crise écologique devient patente. Elle s’associe alors à l’écologisme tout en restant parfois critique à son égard [15].

Le terme « technocritique » sera forgé en 1975 par l’ingénieur et philosophe français Jean-Pierre Dupuy. Le néologisme technocritique définit un courant de pensée axé sur la critique du concept du « progrès technique », considéré comme une idéologie qui serait née au XVIIIe siècle durant la Révolution industrielle et qui, depuis la Seconde Guerre mondiale, s’ancre dans les consciences, principalement sous les effets de l’automatisation (la mécanisation ou le machinisme) et de l’informatisation [16].

Techno-discernement

Le terme de techno-discernement est arrivé récemment. En français, on trouve sa trace dans un tweet de 2009 d’Amélia Matar. Ça sera la seule occurrence de ce terme cette année là sur le web.

On parle de « techno-discernement », c’est-à-dire le fait de faire appel aux technologies quand on en a vraiment besoin.

On peut avoir une attitude / mode de vie Low-Tech, sans pour autant rejeter des appareils sophistiqués nécessaires à la santé par exemple.

Les « définitions » données ici restent des contours, car les approches multiples et personnelles peuvent, évidemment, en élargir les interprétations. En effet, outre la considération technique propre, l’environnement (écologique et social) de ce qu’implique la technique est majeur dans les fondations de la pensée technocritique.

Low-Tech

La (ou les) low-tech n’est pas une démarche technophobe, mais technocritique. Autrement dit, même si elle s’oppose à l’obsession de la high-tech, celle-ci s’accorde du principe de techno-discernement, la low-tech peut donc être complémentaire à la high-tech dite utile [17].

Le concept de low-tech remonte aux années 1970, où il apparaît sous la plume de Ernst Friedrich Schumacher [18].

Le terme Low-tech est une vision du monde. On pense certes au terme « low-tech » construit comme étant l’opposé de « high-tech », mais c’est aussi la continuité de la pensée techno-critique.

Cela peut prendre en compte de nombreuses éléments comme la finitude des ressources, des problématiques environnementales diverses, les conditions de travail et autres aspects sociaux, la réappropriation des outils et de techniques de travail, la simplicité (à produire, réparer, démonter, traiter en déchet futur..), l’utilisation de ressources locales, le zéro-déchet, la place des citoyens et des humains ou des animaux, le partage…

À noter aussi que des nombreuses productions low-tech sont en licences libres, en opposition à la propriété intellectuelle qui empêche le partage.

Le schéma ci-dessous montre une vision multiple des low-tech. Bien que cette vision puisse être multiple, il est intéressant de voir les thématiques abordées.

Auteurs : Arthur Keller et Émilien Bournigal, licence CC BY SA.

Le futur du low-tech

On souhaite un bel avenir au low-tech. Seulement, voilà…

De belles initiatives ont été récupérées par les systèmes qu’elles combattent.

On peut citer le Libre, qui a comme but de partager le code et les productions intellectuelles de manière générale. Il est de plus en plus présent dans les entreprises, en tant qu’Open Source, comme simple outil de production car mis à disposition gratuitement et modifiable pour ses besoins propres. On peut voir quelques critiques pointer leur nez ici ou . Selon Richard Stallman, la différence fondamentale entre les concepts de Libre et Open Source réside dans leurs philosophies : « l’open source est une méthodologie de développement ; le logiciel libre est un mouvement social ».

Un autre exemple, les magasins coopératif bio (biocoop par exemple) sont de moins en moins des coopératives de consommateurs associés et partie prenante pour s’approvisionner en produits biologiques. Beaucoup (pas tous heureusement) continuent à garder l’appellation « magasins coopératif » en étant une coopérative entre patron des divers magasins…
Ces logiques amèneront des colères sociales.

Une dernier exemple pour la route, concernant l’alimentaire. Le bio ou encore les produits d’appellation sont des initiatives fort louables à la base.
À force de lobbying certaines pratiques sont très questionnantes...
Les tomates bio cultivées sous serre en hiver de nouveau autorisées en France, des appellations AOC / AOP [19] avec des modes de productions au profit des grands industriels et non des petits producteurs locaux…

Des structures comme Veolia, s’approprie déjà le terme de low-tech qui revient dans de nombreuses vidéos de communication [20]

Le libre a été dénaturé au moment de l’appropriation par des entreprises enlevant la dimension philosophique et gardant uniquement la dimension technique. Risque t’on la même chose avec la low-tech et des entreprises qui, au mieux garderait des aspects d’éco-conception, mais enlèverait les aspects sociaux (licence libre, ateliers de partage, transversalité des décisions,…) et aussi certains aspects environnementaux (sobriété, durabilité...) ?

Visuel

Visuel utilisé en miniature

Documents sources


[1Qui a plusieurs sens

[3elle étudie

[4qui demande une action

[10que l’on retrouve dans le Fordisme ou le Taylorisme

[11On ne considère pas ici l’application artistique, communication ou autre production de ce type

[12Do it yourself en anglais, en français « faites-le vous-même »

[14qui oppose des artisans, tondeurs et tricoteurs, aux employeurs et aux manufacturiers qui favorisaient l’emploi de machines dans le travail de la laine et du coton. https://fr.wikipedia.org/wiki/Luddisme

[18Small is beautiful. Une société à la mesure de l’homme (1979)

[19Appellation d’Origine Contrôlée, Appellation d’Origine Protégée

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